REUTERS – PARIS, 19 juin (Reuters) – La France a interdit un prochain rassemblement de l’opposition iranienne en raison du risque d’attentat, selon une lettre envoyée aux organisateurs et vue par Reuters, après la libération d’un diplomate iranien reconnu coupable d’avoir fomenté un complot visant à faire exploser le groupe en 2018.
L’interdiction intervient alors que les puissances occidentales cherchent à désamorcer les tensions avec l’Iran et quelques semaines après que Téhéran a libéré plusieurs Européens de prison, dont deux ressortissants français. Le président français Emmanuel Macron s’est entretenu pendant 90 minutes avec le président iranien Ebrahim Raïssi le 10 juin.
L’opposition iranienne, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), basé à Paris et bras politique de l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (MEK), a organisé de nombreux rassemblements dans la capitale française au fil des ans, auxquels ont souvent participé d’anciens responsables américains, européens et arabes de premier plan, critiques à l’égard de la République islamique.
En février, le CNRI a attiré plusieurs milliers de personnes lors d’une manifestation dans le centre de Paris et prévoit son rassemblement annuel le 1er juillet.
Toutefois, compte tenu de la récente vague de manifestations antigouvernementales de masse en Iran à la suite de la mort d’une jeune femme de 22 ans lors de sa garde à vue pour des raisons morales, un « contexte tendu » s’est développé, posant des « risques de sécurité très importants » pour les rassemblements de l’opposition iranienne, indique le document, une lettre du chef de la police de Paris, Laurent Nunez.
Par conséquent, « ce rassemblement, organisé chaque année depuis 2008, ne peut avoir lieu… », peut-on lire dans la lettre, envoyée au comité d’organisation du rassemblement du CNRI, l’opposition iranienne.
En réponse à une demande de renseignements, la police de Paris a publié une déclaration à Reuters confirmant qu’elle avait informé le comité de la décision d’interdire le rassemblement car il pourrait « générer des troubles à l’ordre public en raison du contexte géopolitique ».
« En outre, le risque terroriste ne pouvant être négligé, la tenue d’un tel événement rendrait sa sécurité, mais aussi celle des invités sensibles, extrêmement complexe », précise le communiqué.
Interrogé par Reuters, avant la confirmation de la police, un haut responsable du CNRI a condamné cette décision.
« Si les autorités françaises adoptent une telle position, cela représentera un mépris éhonté des principes démocratiques, cédant au chantage et à la prise d’otages de la tyrannie religieuse au pouvoir », a déclaré Shahin Gobadi, membre de la commission des affaires étrangères du CNRI.
SOUTIEN ÉTRANGER AUX TROUBLES EN IRAN
La mort de Mahsa Amini en détention a déclenché des mois de manifestations dans tout le pays, poussant Téhéran à accuser les États-Unis, leurs alliés occidentaux et Israël d’exploiter les troubles pour tenter de déstabiliser la République islamique.
Des milliers de rassemblements de soutien ont été organisés dans le monde entier depuis sa mort en septembre, bien que les troubles nationaux aient diminué après que la police de sécurité iranienne les a réprimés.
Afin d’atténuer les tensions croissantes, les États-Unis ont engagé des pourparlers avec l’Iran afin d’esquisser des mesures susceptibles de limiter le programme nucléaire iranien contesté, de libérer certains citoyens américains détenus et de débloquer certains avoirs iraniens à l’étranger, selon des responsables iraniens et occidentaux.
COMPLOT AVORTE
La lettre de M. Nunez replace le rassemblement du CNRI du 1er juillet dans le contexte du complot avorté mené par Assadolah Assadi, diplomate iranien basé à Vienne, en octobre 2018, et par trois autres personnes.
Assadi, qui, selon les autorités françaises, dirigeait un réseau de renseignement d’État iranien et agissait sur ordre de Téhéran, a été condamné en Belgique à une peine de 20 ans de prison en 2021. Il a été échangé en mai contre quatre Européens détenus en Iran.
« Cette tentative d’attentat, qui souligne les capacités opérationnelles d’attaque du MEK s’inscrit dans une série d’opérations violentes et meurtrières en France et en Europe, sous la forme d’assassinats et d’enlèvements de personnalités de l’opposition iranienne », indique la lettre, sans donner de détails.
« Les pays partenaires ont à cet égard récemment mentionné de nombreux projets d’attentats violents, visant potentiellement des personnalités de l’opposition iranienne.
M. Nunez a également indiqué dans sa lettre au CNRI qu’étant donné que le rassemblement du groupe attirerait plusieurs centaines de dignitaires étrangers importants et de membres du MEK venant de l’étranger, « la sécurisation de l’événement serait particulièrement compliquée ».
Depuis la fin du mois de mai, le bâtiment du CNRI situé en banlieue parisienne a fait l’objet de trois attaques qui font l’objet d’une enquête. Deux sources proches de l’enquête ont déclaré que des coups de feu, des bombes à essence et d’autres engins incendiaires avaient été utilisés pour viser le bâtiment. L’identité des responsables n’est pas claire.
La lettre indique également qu’il existe un risque élevé de conflit entre le CNRI et les groupes d’opposition iraniens rivaux lors du rassemblement, bien qu’il n’y ait pas eu d’incidents lors des rassemblements précédents.
Téhéran appelle depuis longtemps à la répression des activités du CNRI à Paris, à Washington et dans la capitale saoudienne Riyad. Le groupe, dont les sources de financement et de soutien ne sont pas claires, est régulièrement critiqué par les médias officiels iraniens.
Reportage de John Irish ; édition de Mark Heinrich
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